lundi 6 juillet 2009

Le brushing, c'est la vie.


Au moment où mon corps, par 30° à l'ombre, au frais dans une pièce ouverte et assombrie, me hurle que faire un brushing aujourd'hui est stupide et vain, que mon cheveu déjà mort, se retourne dans sa brosse ronde, elle-même aux limites de la brûlure au dernier degré, je me prends à penser que la vie, c'est vraiment comme un brushing et que même si l'apoplexie me guette, je continuerai mon oeuvre quoiqu'il en coûte parce que là tient toute la dimension de la réussite de ma (plus si) courte vie. 


Un geste immuable me saute à l'esprit : pourquoi après 20 minutes d'effort et de transpiration dans un douloureux lissage aux confins de la 3ème dimension (car du lissage nous n'en retiendrons que le nom, l'aspect étant plus suspect) suis-je immanquablement poussée par une force divine à mettre une pince qui va laisser une trace informe dans à peu près 15 secondes ? Parce-que quand c'est bien, ça ne l'est jamais assez. Eh oui. "Si ce n'est pas parfait, c'est nul". Copyright Yvan Giner, grand psychologue du 20ème siècle, fervent psychopathe au service de la ruine du circuit logique intellectuel de votre fidèle narratrice. Voilà pourquoi je ne sais jamais où m'arrêter. Parce-que, n'ayant jamais marqué l'histoire de ma totale perfection, je n'ai donc pas le droit de me contenter du mieux que je puisse faire qui sera de toutes façons, tellement loin d'une satisfaction bien méritée. 


Je vous vois venir, d'accord je ne gagnerai ni aujourd'hui, ni demain de concours de coiffure, même si je suis une jeune fille obéissante et consciencieuse (je viens d'ôter ma pince à cheveux mais maintenant j'ai chaud), est-ce qu'une coiffure parfaite me rendra la vie plus belle ? D'ailleurs, à ce propos, pourquoi ai-je toujours besoin de rendre mon existence meilleure ? Mais parce-que sinon je serai mal coiffée toute la journée et que peut-être aujourd'hui est le dernier jour de ma vie ! Quelqu'un aurait-il l'amabilité de suivre s'il vous plaît ?? 


C'est surprenant où les réflexions vous mènent quand on se concentre dessus. A la base, j'avais la ferme intention de prouver qu'il était essentiel de tenter d'attraper la perfection (au passage, je remets ma pince sinon je meurs) dans tout ce que l'on entreprend. Parce-que cela conditionne la réussite de votre vie. Remarquez que là-dessus, tout le monde sera plus ou moins d'accord, autant faire au mieux plutôt que de tout foirer, merci, bonsoir. Mais à quelle norme doit-on se fier ? Chacun de par son parcours a la sienne. Je doute qu'une norme universelle nous guide dans notre besoin (enfin, si vous n'en avez pas besoin d'ailleurs, grand bien vous fasse et veuillez m'envoyer un e-mail pour m'expliquer comment vous faites et m'indiquer également à qui je dois adresser le chèque) de réussite permanente. Alors je me rends compte que je suis  bien mal lotie puisque ma norme personnelle a été érigée par un tordu. Tiendrai-je une clef importante qui me ferait lâcher mon prozac ? A savoir que la détention d'une clef est certes importante mais reste encore la serrure. Parfois, elles sont installées à l'envers. Le vie est difficile. 


Je dois revoir toutes mes certitudes. Peut-être que je serais mieux les cheveux ondulés. Ou peut-être pas. Mais en tout cas, je ne jetterai pas ma pince, tout au plus jetterai-je mon sèche-cheveux. Dois-je vraiment souffrir pour être belle en théorie puisque dans ma réalité je n'y suis jamais encore arrivée ? Ai-je l'absolu nécessité d'y arriver ou dois-je faire une opération de la cataracte avant l'heure pour mieux discerner la matière réelle ? Est-ce vraiment existentiel de se poser la question de la légitimité d'un brushing ? Ne suis-je pas maintenant assez grande pour me fixer mes propres règles ? J'ai eu tort de refuser de manger ma soupe. Maintenant elle est froide et plus difficile à ingérer. Il faut dire aussi que j'ai eu le droit à un infâme bouillon à l'eau alors que je préfère la vraie soupe de légumes avec des morceaux et pleins de trucs dedans. Mais quand-même, malgré tout, j'ai pris des centimètres sur le tard et aujourd'hui je sais me boucher le nez et avaler ce liquide indigeste. Enfin en théorie, reste maintenant à se mettre à table. Il m'est arrivée de rester toute une après-midi attablée étant petite pour terminer une assiette que je refusais obstinément de manger. Aujourd'hui je me rends compte que ça fait 30 ans que je suis assise à cette table et les escarres, c'est moyen sexy.

Aussi je me concentre avec application, prends une grande inspiration pour accomplir mon dessein. On finit sa soupe, on se remouille les cheveux et on passe à autre chose : l'important dans la vie est d'être réveillé, je vais me servir une tasse de café.

Aucun commentaire: